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Les coups de cœur de l'artiste

Blindman, le justicier aveugle,

film de Ferdinando Baldi, 1971

Ex Fan des Sixties,

chanson de Jane Birkin, 1978

Aimez vous Brahms,

roman de Francoise Sagan, 1959

Juan Solo, Bande dessinée

d'Alexandro Jodorowsky, 1995

Soudain l'été dernier, 

peinture acrylique sur toile et photographie, chapeau de paille, serviette éponge, Martial Raysse, 1963

Jeunes artiste rennaise, Charlotte Vitaioli vit et travaille à Rennes. Pendant ses études à l'École National Supérieure des Beaux-Arts de Quimper, elle développe un travail pour le moins protéiforme.

Pour qualifier sa pratique, seul le terme d'installation ou d'assemblage semble convenir. Car en effet, loin de se restreindre à l'emploi d'un médium unique, l'artiste produit elle-même sculptures, dessins aux feutres et peintures qu'elle fait cohabiter avec des objets, des performances, des espaces. Elle crée ainsi des univers où les éléments dialoguent et se questionnent les uns les autres.

Ses productions révèlent un aspect théâtral. Des éléments référant à la mythologie, à l'histoire de l'art, au cinéma et à la littérature se juxtaposent et sont habilement mis en scène par l'artiste. Elle questionne ainsi les procédés de fiction et d'acheminement vers une narration et confronte des représentations, des images à des présentations d'éléments concrets.

GoodBye Marilyn, est un polyptyque représentant huit scènes distinctes sur dix mètres de long et deux mètres de large. Petit théâtre de la vie et de la mort, cette juxtaposition de dessins se lit comme un long déploiement narratif qui rappelle le retable. Ancêtre de la bande dessinée, la structure du retable permet d'aborder la mise en scène à travers des fenêtres, des écrans offrant une vision d'ensemble à des mondes parallèles.Ici, chaque monde semble au prise d'une architecture cloisonnée, enfermant tels des captifs, une série de personnages immobiles traités de manière frontale.

Considérant le monde par l'intermédiaire d'une multitude de symboles, GoodBye Marilyn déplace et repense me mémento mori à travers les figures de Dark Vadorn de Médusa ou de Nosferatu, des références à l'histoire de l'art, au cinéma, à la pop culture. Un certain nombre de composants disparates et anachroniques, marqués par une esthétique gotique, dans une ambiance de tragi-comédie.

3 QUESTIONS À CHARLOTTE VITAIOLI

1.De quelle manière la série GoodBye Marilyn s'inscrit dans la globalité de ton travail ?

GoodBye Marylin, est une pièce que j'ai imaginé en réponse aux contraintes d'accrochage et de stockage liées à la commande de cette oeuvre. Les différentes scènes dessinées inscrites dans des compartiments sont modulables dans l'espace, et s'articulent en fonction du lieu d'exposition. Mes projets artistiques se développent toujours en fonction d'un lieu et de ses entraves, se nourrissant des contraintes architecturales et environnementales. Cela m'incite à me pencher sur de nouveaux matériaux, et repousse plus loin le champs de mon imaginaire.

2.Ton travail est très influencé par l'univers cinématographique, et notamment, dans la série GoodBye Marilyne tu retranscris une phrase du réalisateur italien Federico Fellini. « Non c'è inizio né fine, esiste solo l'infinita passione per la vita » (Il n'y a pas de fin. Il n'y a pas de début. Il n'y a que la passion infinie de la vie). Peux-tu nous en dire un peu plus sur le choix de cette citation et son rapport avec ton travail ?

Cette citation attire l'attention sur un cinéaste qui me passionne, par sa capacité à inventer de nouvelle forme de récit. J'admire son amour pour la vie, qui transparait à travers le chaos, l'onirisme et la folie échevelée de ses personnages. Dans GoodBye Marylin, cette phrase intervient comme une réflexion autour les limites qui séparent la vrai vie du récit.

3.Les dessin aux feutres, témoigne symboliquement d'un univers magique et romantique apparemment associé à l'imaginaire enfantin. Est-tu d'accord ? Comment est née ta passion pour cette technique ?

J'ai commencé à m'intéresser au crayon feutre aux Beaux-Arts, en souhaitant me défaire des pinceaux et de la charge historique liée à la peinture. Au début j'essayais de rejouer le coup de pinceau, puis j'ai fini par m'en détacher complètement en trouvant ma propre technique.

"Au bord de la mort, au bord de l'amour" 
texte d'Eva Prouteau (extrait)

De l'écheveau d'intrigues emmêlées dans notre imaginaire collectif, l'artiste Charlotte Vitaioli étire bizarrement le fil. L'épopée dont elle fait le récit est borderline, peuplée de réminiscences et de rêveries, de fantasmes flous et de souvenirs reconstruits. Riche en références éclatées, l'œuvre baigne dans une atmosphère fantastique, où l'on croise plusieurs apparitions miraculeuses, des gisantes charismatiques, un justicier au cercueil, Hokusaï et Warhol, Arnold Böcklin et Jim Jarmush. Un paysage comme un patchwork mental, historique, géographique qui embrasse tellement de figures discordantes qu'on pourrait craindre qu'elles ne frayent ensemble : pourtant, cette mémoire plurielle dessine les contours d'un monde cohérent, comme entraperçu à travers la vitre d'un train fantôme.

DÉVOTION

Dans cette réflexion sur la mise en scène des images (leur circulation, leur incarnation affective), Charlotte Vitaioli retourne souvent aux fondements de la peinture religieuse, qui par stratégieenvisageatrès tôt les images et leur support simultanément. Pour Goodbye Marylin, l'artiste choisit précisément la forme du polyptyque, dont les compartiments architecturés rythment la progression du regard et agissent comme élément actif de la narration -- on pense aussi à la bande dessinée ou à l'écrandivisé, au cinéma. (..)

MÉLODRAME EN TROIS STATIONS

Goodbye Marylin : encore un titre aux accents tragiques ! Dans le vaste corpus de 58 dessins à l'encre de Chine sur papier qui constitue l'œuvre intégrale, l'artiste a choisi d'exposer trois ensembles, trois variations sur le corps et le paysage. Question corps, le tragique semble effectivement au rendez-vous, même si Marylin, elle, ne l'est pas physiquement : ses relais féminins pourraient être deux gisantes hybrides, Maria l'androïde du film Métropolis de Fritz Lang, et Poison Ivy, la sulfureuse guitariste des Cramps, groupe punk rock dont le nom s'inspire d'un personnage de comics, adversaire de Batman, et que Charlotte Vitaioli affuble ici d'une tête de crocodile. Une troisième femme incarne pleinement les revers du destin d'une star déchue : Lola Montes, héroïne du film éponyme de Max Ophuls, célèbre danseuse et courtisane tombée en disgrâce, qui finit sa vie comme animal de foire devant mimer sa propre existence pour survivre. Charlotte Vitaioli la représente en figure centrale, posant en majesté dans une splendide robe brodée, comme dans les premières scènes du film où elle rejoue la scène de son mariage. Autour d'elle, comme un chœur dispersé en divers foyers d'énergie, une sirène, un ours, Neil Amstrong et la magicienne Circé ont tous la particularité d'être déguisés en indiens. Présenté de façon frontale, chaque personnage semble avoir une certaine conscience de soi et du monde : le spectateur, comme devant un retable, crée des articulations au sein de ce mélodrame énigmatique et flamboyant, tourné vers l'onirisme et l'imaginaire romanesque. Dans cette mise en scène théâtrale, où l'habit joue un rôle essentiel, la palette éclatante sert le paroxysme émotionnel.

DU CORPS AU DÉCOR

Ce dispositif, proche de l'espace scénique, qui contraint le regard à « passer » d'un compartiment à l'autre - d'un souvenir à l'autre ? - intègre aussi plusieurs natures mortes et deux grands paysages. Bananier et plant d'ananas, corbeilles débordant d'oranges et de raisins, compositions florales qui laissent danser les tulipes et les pivoines, en hommage à la peinture hollandaise : ces représentations seraient aux yeux de l'artiste comme des vigies végétales qui protègent les personnages, images d'une vie silencieuse réconfortant leur fatum agité. Quant aux paysages tourmentés, ils témoignent l'un et l'autre de l'esprit mutin avec lequel Charlotte Vitaioli revisite l'histoire de l'art : d'un côté, l'artiste reprend la Grande Vague de Kanagawa de Hokusai mais remplace le mont Fuji par le Mont Saint-Michel, provoquant une disjonction ludique ; de l'autre, elle trace au premier plan la silhouette charbonneuse d'arbres torturés, qui se détachent sur un ciel fortement inspiré de la Nuit étoilée de Van Gogh, traversé de météorites. Dans les deux cas, le paysage est éminemment expressionniste : une vie terrible se répand dans toute la matière naturelle, et les éléments déchaînés agissent comme un puissant mouvement d'intensité, miroir à peine voilé des vies tumultueuses des héroïnes représentées. Dans cette galaxie référentielle où l'œil dérive en songeuses associations, les scènes cloisonnées confèrent à la composition une incroyable impression de cohérence et de stabilité. (...)

Exposition en cours
Faire, Refaire
22/02/2024

Faire, Refaire, céramiques et plaques émaillées Peter Briggs

Détail de l'exposition Citation de l'artiste Interview de l'artiste Les coups de cœur de l'artiste
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